samedi 9 mars 2024

un samedi de mars à Paris


Voyager en Train est tout de même plus confortable
 que dans ce palanquin 
de l'exposition autour du Dit du Genji.
Et pourtant des liens entre Lyon et le Japon se tissent


Le procédé Jacquard amené jusqu'à Kyoto pour créer des soies 
d'entre saisons
 ou un facsimilé tissé des rouleaux relatant les péripéties du Genji :
Ces écritures tramées ont été réalisées dans les années 2000
et offertes au musée par le maître tisserand du quartier de Nishijin
en remerciement 


(oeuvre d' Itarô Yamaguchi )

Ce roman si célèbre de Murasaki Shikibu provoque aussi, 
bien après le 11e siècle, la tentation de le parodier.



mercredi 28 février 2024

Ateliers de Delphine à L'Espec

 Micro atelier du 11 novembre 2023 

Quelle est la partie de votre corps qui vous semble la plus fragile ?

 

Tout me semble finalement plus solide que je ne le crois. J’ai d’abord pensé à mes cheveux, mes paupières…mais bien sûr ce sont mes yeux, fragiles dans tous les sens du terme. Qui s’ouvrent et se referment, se fatiguent, me trahissent et me servent.

Et auxquels je tiens comme à la prunelle d’eux-mêmes.

 

Atelier du 20 janvier 2024, depuis Mâcon ; pris en cours de route


Glissando ! 

 

Consignes : 1/ d’après le « nounours » de Pénélope Bagieu dans son album Les Strates : raconter une histoire d’erreur consentie.

 

Le Riri Desserle étant le seul ami de mon grand-père à la retraite, difficile de l’oublier ! Son dernier chicot, sa gitane maïs éteinte collée juste à côté.

Comment imaginer que cet homme a été jeune, a été marié et a été aventureux, alors qu’il vient, pour sa visite dominicale, métronome de la semaine, boire la goutte et parler du passé face aux pouces de mon pépé tournant invariablement au-dessus de la toile cirée. 

Le café dans les duralex.

Le canard sur un sucre. 

Le contact de l’éponge sur le ciré de la toile pour pousser vers la main en coupe les miettes de brioche (achetée chez les soeurs de Joncy). 

Tout cela, et la cigarette, à jamais bannie de mon propre chez-moi.

 

Heureusement, il y a le Riri du passé, Christophe Collomb embarqué dans sa Diane, avec sa Dulcinée. Elle est institutrice. Ils n’ont pas d’enfants. Et pas encore de RDV chez le grand-père. 

 

A cette époque, tous les dimanches, ils faisaient le choix de se perdre, roulant au hasard, dans le seul but de l’égarement. Après un pique-nique, nulle part mais ailleurs, arrivait le moment d’ouvrir la boîte à gants pour retrouver la carte routière et leur chemin.

 

2/ D’après La Foudre de Pierric Bailly (P.O.L) écriture à partir d’une amorce de l’auteur, puis de mots insérés : gynéco,imprimantes, évidence, dessein

 

     « Je n’ai même pas besoin d’un prétexte pour m’évader. Ça se fait tout seul. Je passe d’un sujet à un autre » ; l’esprit qui va à gambades. Je suis un chemin de haïjin-écho de la rivière en montagne ou brume de terre sur les Dombes. Quand les champs en friche, imprimantes magnétiques, sont imprégnés de l’automne ; évidence de la glace maintenant que le wasserfall s’est tu. Devenir stalagtite. Peindre à couverte, médailles de teintes aquatiques glissant sur le papier. Jouer des coulures puis révéler la réserve. Ce blanc de la feuille ou du coton. Enlever la gutta, la cire, la protection de nos pensées organisées. Laisser hermétique le dessein, le trajet, refermer des parenthèses sur des parenthèses et ouvrir indéfiniment nos guillemets. 

 

3/ D’après La grande glissade de l’ours Richard T. Morris : inventer un récit pour enfant




 

Sur la rivière Kamogawa, l’ours Kuma aime passer le tronc moussu, herbu et champignu. Côté soleil et fleurs odorantes, il prend à pleines pattes le miel, se léchant chaque griffe, insoucieux des abeilles.

Côté forêt, il retourne dormir à l’abri des cryptomères, bercé par les grelots de mamie Akiko qui randonne et le prévient de son passage

    Mais ce jour-là après le goûter, le tronc moussu, herbu et champignu est devenu tout vermoulu !

Plouf-Glou-bouh-oh-splish-zap-paf ! L’ours à la dérive quitte les deux rives.

 

C’est bon de couler, il sait nager.

De petits poissons lui font les yeux ronds.

Une tortue carnivore le snobe encore.

Des saumons à contre-courant jouent les garnements

Un couple de crevettes vogue en goguette.

Un serpent d’eau frôle son dos.

Les Martins pêcheurs crient : il est l’heure !

L’ours fait la planche et rejoint d’un bond le bord de l’eau.

Juste avant d’arriver aux abords de Kyoto.

 

Moralité : L’ours mouillé apprend à s’émerveiller.

 

4/ Consigne : Glisser, mais pas déraper. Contexte : Article de Libé sur un homme politique détournant l’affrication au profit de sa xénophobie. Car l’affrication n’a rien à voir avec le grand continent : rédiger un texte avec occlusives, et fricatives (lesquelles viennent se frotter aux évolutions de nos langues vivantes, françaises ou anglaises).  Mettre le mot « glisser » dans une phrase d’un livre quelconque ; mon choix se porte sur Peter Pan : « He sat down on a mushroom » …

 

Habilement, il glissa d’un large champignon vers l’humus habité de multiples insectes, à la recherche des traces du crocodile qui lui avait croqué sa main droite, mais aussi sa plus belle pendule, prise de pirates !

Tchik-Tchak les Djinns tch’attaquent.

Tchik-Tchak Djembe et Djeu de Djambes en danse de Sioux

Enfants perdus, racailles, voyous, hors-la-loi, sauvageons, va-nu-pieds, misérables, Gavroche sans galoches

Tchik-Tchak

Tssé Tssé mouches et moutcharabieh

Tcharabia-Tchak sur les tibias des marrons à Tchilaos !

Le Neverland et l’apatride fichent la frousse. Gare aux crocodiles fatchistes. 

Le Djingle de la Djungle au Journal de 20 heures ou en continu à la TChéVé

Alors Ciao

 

Et pour finir le rituel des Choses qui…glissent quand on mange des profiteroles en buvant du champagne :


Les bonnes résolutions

Le taux de « glissémie »

Les propos déplacés

La fermeture qu’on dézippe

Le mot exquis

La notion du temps et du déraisonnable

jeudi 25 janvier 2024

formes de la ruine

Et si parfois une vue un peu faible, un éclairage tamisé pouvait créer un surprise linguistique ? C'est le cas de cette "poésine" qui n'existe que dans mon imaginaire et finalement c'est une erreur très juste puisqu'un de ses vrais noms est : pierre de rêve. 

Origine du nom : “paesine” (mot pluriel italien, “paesina” au singulier, proche de “paesaggio”, paysage) ou “pierres-aux-masures” ou “pierres-paysages, appelées encore « marbres-ruines »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_à_image



Mais le tableau ci-dessous est lui-même un double leurre car le peintre du 17e siècle imite la pierre qui imite un paysage. Pour représenter deux villes bibliques, elles-aussi appartenant surtout à notre imaginaire...



Mathieu Dubus , Destruction de Sodome et Gomorrhe (Huile sur bois)
né à Ypres, vers 1590- La Haye, 1666



Carottes extraites verticalement dans le quartier de La Sorbonne
pour une lecture horizontale et temporelle de l'histoire de la ville de Paris :


Cela fait aussi partie de mes oeuvres préférées dans l'exposition alors que le dessin a pour but une analyse plutôt scientifique. Trouver ci-dessous les traces archéologiques d'un tsunami...





Pour Nina, sa préférence va aux dessins délicats du romantique 
Caspard David Friedrich.
Ruines de la porte du couvent "Heilig Kreuz" près de Meissen
1824, aquarelle et crayon

Comme le Musée d'art contemporain de Saint-Etienne est en travaux, il me semble que j'avais déjà vu les oeuvres photographiées par cet artiste et prêtées à celui de Lyon : 


Thomas Ruff, "Tripe" 2018 (Rangoon, Signal Pagoda) :
 Négatifs produits en Birmanie par le capitaine britannique, photographe Linneus Tripe et traité par l'artiste contemporain en haute définition, révélant l'usure autant que le voyage du XIXe


Autres pseudo-hiéroglyphes :  Les craquelures sur la plaque de verre de la couche argentique répondent aux complexités des pierres frottées. Estampages ici et ombres portées là.


Ne me rappelant plus le pays d'origine de ce papier frotté sur une pierre (Cambodge ?) 
je cherche avec Google Lens à définir ma source 
et l'IA me propose des papyrus, un tableau de César nommé Arrachage daté de 1961 
 ou des oeuvres carbonisées d'Anselm Kiefer !

Toutes les époques, toutes les cultures semblent se rejoindre : des pierres et le regard des hommes.

« En Chine, on considérait comme une création le fait d’avoir trouvé une pierre de rêve. Au cours de ses déambulations dans la montagne, l’oeil de l’initié savait saisir les reflets de l’univers dans une pierre. Signant sa découverte comme oeuvre d’art, il était reconnu alors comme un artiste et la pièce prenait plus de valeur selon sa réputation. Ceux qui la contemplaient pouvaient aussi la signer et y inscrire un court poème »

(source :  https://jeanpaulfavand.wordpress.com/portfolio/pierre-de-reves/ )



dimanche 14 janvier 2024

A portée d'Asie et de Bourgogne

Un samedi en aparté, prendre le train pour Dijon dans une campagne de plus en plus blanche pour découvrir avant sa proche fin une exposition temporaire aux charmes de l'Asie.
Dans le fond permanent, on trouve bien déjà quelques représentants du japonisme et ce n'est pas non plus par hasard que cette exposition en particulier consacrée aux collectionneurs et marchand depuis le classicisme trouve sa place dans l'hôtel des Ducs de Bourgogne.

Détail d'un tableau de Tissot J.J.J, dont le prénom a la triple initiale du pays représenté Japonaise au bain


Quel est le point commun entre L'Alsacienne Florine Langweil (1861-1958)
 peinte ci-dessus, négociante et mécène dont la boutique était fréquentée par Guimet, et qui participe aux expos du Musée Cernuschi
et moi ?

Entre Jehannin de Chamblanc ( 1722-1797) conseiller au Parlement de Bourgogne qui légua son cabinet chinois au musée d'histoire naturelle de Dijon et un  Philippe Burty (1830-1890) inventeur du mot "japonisme", ami des Goncourt ?

Cette fameuse passion qui nous fait sans cesse regarder vers le Levant !


La salle coréenne avec les trouvailles de Charles Varat 1842-1893 :



Parmi les trois sages bouddhistes, le plus sympathique

Feuilles d'album évoquant la vie et les métiers de la Corée,
époque Joseon (1392-1910) 2ème moitié du XIXe siècle

Deux femmes de qualité et les chapeliers évoquent pour moi les K-dramas historiques.

A Rouen aussi, des collectionneurs se prennent de passion pour les poupées japonaises. Que sans doute j'avais déjà vues en 1991 dans la version poussiéreuse du Musée d'Histoire Naturelle de la ville où j'habitais alors.
Le couple Adeline, Valentine ou ci-dessus Jules, (1845-1909) ont pour mascotte MIKIKA, dont la gravure et la photographie témoignent d'une existence désormais à l'état de souvenirs.
Ce qui est incroyable dans cette exposition, c'est de voir les objets réels, mais aussi les esquisses ou leurs représentations plus fines dans les catalogues de vente ou les registres des propriétaires. Jules Adeline écrit même des livres (Le logis et L'oeuvre en 1910) sur leur intérieur et comme il est à la fois architecte et graveur, c'est un témoignage complet de ce que peut être une maison devenue cabinet de curiosités.
En cherchant un peu plus de choses sur cet écrivain, je trouve sur Gallica son ouvrage sur le chat vu par les Japonais.



Album de peintures de fleurs aux bords découpés :
 inspiré par"Les dix Styles de Teika" recueil de poèmes collectés par 
Fujiwara no Teika (1162-1241) compilés à partir des anthologies impériales.
Reliure en arcodéon, chaque motif floral est traversé par une bande de papier (Tankaru) c
portant la calligraphie d'un poème, alternant les saisons, le voyage, l'amour...



Ci-dessus : Vague moins connue d'Hokusai, avec l'épreuve de l'éditeur 
sous la réalisation finale

Ci-dessous : un pot à pinceaux en jade, 
l'une des pièces les plus impressionnantes


D'autres collectionneurs de la région sont les époux Edma (1802-1878) et Anthelme Trimolet (1798-1866), surnommé le "fouilleron" dans le cercle des amateurs lyonnais. Originaires de Saône-et-Loire, ils se sont installés à Dijon et ont fait le legs de leur "cabinet chinois".

L'usage de ces potiches ou de ce coussin sculpté 
au rouge profond m'échappe encore...

Mon vase préféré, aux deux poissons, comme un Janus aquatique

C'est bon de clore la visite sur un contrepoint contemporain : Gentaro Murakami, né au Japon en 1991 est arrivé en France en 2010 et a fait ses études à Chalon-sur-Saône. 
Ses dessins sont inspirés par des photos du XXe siècle. 

ci-dessus : Tokyo holliday (2023) Clin d'oeil de Murakami au film Vacances Romaines


***

A Rebours :  aux origines de l'intérêt pour les talents des empires lointains, 
on trouve le détournement des matières exportées,
rehaussées de dorures ou de bronzes ... bien moins à mon goût.


Cette occidentalisation clinquante, n'est-ce pas un peu comme 
coiffer un immortel d'un crapaud ?


Visite aux Musée des Beaux-Arts de Dijon, le 13 janvier 2024


dimanche 17 décembre 2023

Bilan d'étape 01 01 2024


« Le vrai sujet d’un voyage est nous-même tout autant que nos destinations. » 

Guide anachronique de Kyoto, Allen S. WEISS

 

 « Tout récit autobiographique est semblable à un récit de voyage : court ou long, il opère une réduction radicale de la réalité inscrite dans le souvenir et se structure autant par ce qu'il écarte que par ce qu'il intègre. » (p.147) Russel Banks, Voyages, édition Babel


Traverser la nouvelle année, ce n’est rien et c’est beaucoup. Il me semble voir au milieu de la nuit le visage de Janus qui perçoit mon passé et regarde aussi vers l’avenir, sans rien discerner de défini.

Avoir réalisé le voyage au Japon dont je rêvais depuis mes 18 ans (ce temps où je patientais pour lire une nouvelle œuvre de Kawabata, auteur traduit au compte-gouttes pour la collection abordable et raffinée du Livre de poche classique) c’est une consolation de la maladie découverte par hasard. Je ne retrouve pas les mêmes peurs à entendre le mot « cancer » cette fois comme j’ai pu les ressentir il y a 11 ans. Et pourtant c’est encore une surprise, une sérendipité contingente à ce voyage au Japon et sa dernière étape dans l’hôpital de Tokyo. 

 

L’épée de Damoclès est au-dessus de chaque tête, mais un coup de projecteur la révèle à certains. Avoir accompli mon désir de vivre, ne serait-ce que 3 semaines au Japon, dont une hospitalisée, m’a consolée de la récidive dans une nouvelle partie du corps (obligée de regarder un croquis d’anatomie pour clarifier la géographie du foie !). C’est comme si on ne m’avait pas au moins volé un rêve. 

Lorsque je me suis faufilée derrière un Jizô de Nikko (ce que je raconterai plus tard) j’ai cru pénétrer un monde tabou. Je me souviens que mon cœur était inquiet. Bien vite je suis repassée de l’autre côté, dans l’allée où leurs paupières entrouvertes se tournent vers une rivière de montagne.  

J’ai trouvé sur internet que les Jizô étaient des protecteurs des voyageurs, mais aussi d’une certaine façon les esprits des limbes pour les enfants disparus trop vite ou avant de naître. 

Dans le livre de Weiss*, un passage leur est consacré, qui décrit bien justement cette rive où leurs silhouettes devenaient de plus en plus abstraites, les premiers sculptés de façon à reconnaître les traits d’un modèle unique, puis leurs corps devenaient plus moussus, plus grignotés par le temps et une crue lointaine qui a fait passer leur nombre de 100 à moins de 80. Quelques pierres à la fin, comme ces totems de galets que certains aiment mettre en équilibre, poursuivaient la lignée des derniers Jizô, toujours coiffés d’un petit bonnet rouge au crochet, avec un bavoir au vermillon plus éteint.

Nadège et moi, nous étions très émues de cette découverte imprévue – nous ne cherchions qu’une balade, après le long trajet en train. 

Nous sommes retournées les voir le lendemain, avec Noah, et nous avons peint, chacune, l’un de leur visage. 

Ai-je été avertie par eux que quelque chose me menaçait ? Est-ce à cet endroit, avant d’en avoir conscience, que j’ai fait le premier pas vers un cheminement où il me faut à nouveau prendre toute la mesure du bonheur de vivre ? 


* « Ils remplacent les bornes de délimitation et les symboles de fécondité animistes (…). Vêtus d’un bavoir de nourrisson et d’un bonnet orné de rouge -une couleur qui repousse les démons- ils peuplent les jardins des temples et des sanctuaires (…) et bien sûr le long du chemin de la philosophie. A l’origine, les Jizô était des pierres phalliques sculptées en bodhisattvas. Usées par les intempéries et les caresses bienveillantes d’innombrables passants au fil des siècles, les statues ont repris leur forme phallique originelle–parfois humanoïde–, reconnaissables en tant que Jizô uniquement à la bavette. Manifestations extrêmes du Sabi, ils sont à ce titre d’autant plus précieux. » (p.176, Guide anachronique de Kyoto)


Je termine ce premier janvier 2024 le livre de Allen S. Weiss. Le dernier chapitre contient l'exergue suivante écrite par Italo Calvino : "Quand il arrive dans une nouvelle ville, le voyageur retrouve une part de son passé dont il ne savait plus qu'il la possédait. "




dimanche 5 novembre 2023

vivre écrire marcher peindre ?

Mon carnet de notes de voyages est plein de trous ! Je ravaude, je reprise des journées à peine entamées. Comment vivre et écrire ce que je vis (ce verbe à comprendre comme on veut : le présent de vivre ou le passé de voir). 
Marcher et pourtant peindre, donc rester immobile. Je crois bien que le haïku a été inventé pour concilier le pinceau et le voyageur. Bien sûr depuis, il y a la photographie diffusée presque en direct sur nos applications. 
Mon récit de voyage en cours d'élaboration décalque les notes prises sur le vif, les aquarelles volées au mouvement de nos visites et certains passages écrits à rebours dans l'automne qui s'installe en France.

Lyon, 5 novembre


22 juillet valise presque bouclée pour aller de Fukuoka vers Kyoto

 

Comment rendre compte ? Cette Escale hier d’une île dans une île, celle de Nokonoshima, à 10 minutes de ferry de Fukuoka (enfin lorsqu’on a trouvé le terminal et le port !) C’est un dôme de végétation tropicale, bambous, orangers, surmonté d’un jardin incroyable où les fleurs ou les arbres sont mis en scène et en coupe réglée.

Il semblerait bien qu’un manga se passe dans ces champs de tournesols ou d’œillets d’Inde pour la saison où nous les voyons (Marigold et girasols…) Une demoiselle épouvantail devenue vivante comme Pinocchio ! (l'auteur Tatsuhiko du manga : Hotomeku kakashi )

 

Plage du camping

l’enfant au bout de la corde

apprend à nager

 

Surplombant la baie

des îles en hémisphère

cargo couleur rouille


une coiffe de fougères

sur la tête d’un rocher

 

Encore un dernier tour du lac quand le ciel prend des couleurs d’ocre. La terrasse en briques rouges du musée d’art moderne de Fukuoka présente des sculptures aux étoiles une citrouille à pois de Yayoi Kusama et l’équilibre -figé dans le métal- d’une danseuse classique.

 

scène au crépuscule

guérisseuse japonaise

ses mains magnétiques





Blandine






 

jeudi 26 octobre 2023

où commence le voyage ?




Lyon, le 16 juillet 2023


Quand commence le voyage ? Au moment où l’on force sur le biceps pour tracter dans le bus son bagage ? Ou juste auparavant, en tournant les molettes du cadenas rejoignant les deux boucles de la valise ? 

Mon voyage semblable à une gestation. Le désir, l’attente, la découverte que c’est possible, les préparatifs en douceur, pour ne pas offusquer la fortune.

 

Dans le bus du dimanche, commencer un livre et puis laisser le regard suivre le manège d’un frère et sa petite sœur, attentifs à la route suivie. Un voyageur attrape de justesse le bus. Il est coiffé comme un vieux sage asiatique, la calvitie à demie, et quand même une sorte de houppette en chignon*. Il sourit au chauffeur, bippe de son abonnement. Dans le rétroviseur mon attention se porte sur la marche mesurée d’une dame âgée tirant un caddie de ville. Les inconnus que je croise me disent-ils que je pars dans un pays où près de 100 000 personnes sont plus que centenaires...

 

Et puis la gare de la Part-Dieu. Sa nouvelle salle d’attente. Est-ce que les arbres sont vrais ? Ils touchent déjà le faux plafond : comment croîtront-ils davantage ?


*Coiffure des Nabetori, dite poignée de marmite, sobriquet pour la noblesse (Dogra Magra, de Yumeno Kyûsaku p. 249)

 

19 juillet

 

Il y a aussi la mer, avec une sorte d’îlot privé transformé par un hôtel en pseudo village italien. Quelle drôle d’idée : c’est le premier lieu que j’ai choisi de dessiner après le bain dans la mer du Japon. Le quartier de Momochi est idéal pour rêver vivre ici : les petits pavillons aux tuiles vernissées, des chemins où chaque arbre est entouré de fleurs diverses ; des ponts sur le bras de mer et, les enfants de l’école, rentrant avec leur cartable renflé, protégé par une cape de pluie. 

 

Semi Semi-San !

les pins de Fukuoka 

bruissant de cigales


 

Fukuoka, le 18 juillet

 

Il ne faut pas longtemps pour se sentir chez soi et Fukuoka est une ville dans laquelle j’ai tout de suite envie de m’installer. Notre hôtel est juste à côté d’une merveille de petit lac où se posent hérons, cormorans ou canards. Un kiosque en pagode, des ponts, une pinède en presqu’île, c’est à qui des corbeaux (karasu) ou des cigales (semi) parviendra le mieux à rompre le calme du lieu.

 

19 juillet

 

Il y a aussi la mer, avec une sorte d’île privée transformée par un hôtel en pseudo village italien. Quelle drôle d’idée : c’est le premier lieu que j’ai choisi de dessiner après le bain dans la mer du Japon. Le quartier de Momochi est idéal pour rêver vivre ici : les petits pavillons aux tuiles vernissées, des chemins où chaque arbre est entouré de fleurs diverses ; des ponts sur le bras de mer et, les enfants de l’école, rentrant avec leur cartable renflé, protégé par une cape de pluie. 

 

Semi Semi-San !

les pins de Fukuoka 

bruissant de cigales

 

20 juillet, Yagura hôtel de Fukuoka


Il m’aura fallu deux aurores pour découvrir la longue fenêtre à la tête de mon lit, occultée par des stores aux tons café au lait.

Des jardins denses aux arbres cirés emplissent le vide entre les immeubles chocolat. Après le rose de l’aube, une couverture nuageuse s’installe sur la ville bordée de montagnes et incurvée en bord de mer.

 

Nous avons pris le ferry, direction Nokonoshima. En observant la carte dessinée, tout paraît simple : un unique chemin en bord de rivage, une plage à l’Est, un jardin de rêve au Nord. Pas de voitures ; seul un bus fait la transversale pour les touristes venus saisir les couleurs de saison du jardin dominant les baies ponctuées de rochers ou d’îles plus petites encore. 

 

Musardons au marché.

 Un sachet de tomates. 

Des cartes postales : soit grand-mère au milieu des cosmos, soit l’épouvantail parmi les héliotropes. 

 

On laisse filer le bus. On s’arrête à la poste de poche. Deux employés s’occupent de nos cartes comme si elles représentaient un enjeu diplomatique : disposition codifiée, timbre floral évidemment, photographie pour immortaliser l’envoi (demandée par le préposé à la poste comme preuve de la validité de son travail et tampon en forme de calebasse).

A partir de là, ce sera une enfilade de chemins de traverses car, si l’île est petite, elle est toute en reliefs, couverte d’une épaisse végétation. Le sentier n’en est pas un : des véhicules nous poussent sur les bordures, et de multiples intersections proposent des messages exclusivement en japonais. A part la plage deux heures plus tard où je peux lire beach en katakana. Mais la plage n’a pas de sable, un enfant avec une bouée se pend à une corde pour apprendre à sauter. Des allées de cocotiers aux palmes jaunies donnent un côté exotique au camping qui rend l’accès à la mer soumis à paiement. 

On n’a pas tout perdu ; s’il est hors de question de renoncer au tour de l’île pour se baigner dans une eau brune que les courants remplissent de divers éléments flottants, on nous propose gentiment de rejoindre un groupe de jeunes filles pour aller en bus au jardin merveilleux. 

Ce n’est pas de refus. Nos gourdes sont à sec. Je m’abreuve de tomates… la pente bétonnée où le mini bus peine me fait fermer les yeux, de peur d’un démarrage en côte !

 

Ce jardin valait bien toutes les fausses routes du monde. C’est un peu comme se promener avec Mary Poppins sous un parapluie devenu ombrelle couleur d’arc-en ciel…

Reste à se glisser côte à côte sur un banc avec mon amie. Pour peindre à l’aquarelle le bleu lointain de la mer traversée par les bateaux.