jeudi 26 octobre 2023

où commence le voyage ?




Lyon, le 16 juillet 2023


Quand commence le voyage ? Au moment où l’on force sur le biceps pour tracter dans le bus son bagage ? Ou juste auparavant, en tournant les molettes du cadenas rejoignant les deux boucles de la valise ? 

Mon voyage semblable à une gestation. Le désir, l’attente, la découverte que c’est possible, les préparatifs en douceur, pour ne pas offusquer la fortune.

 

Dans le bus du dimanche, commencer un livre et puis laisser le regard suivre le manège d’un frère et sa petite sœur, attentifs à la route suivie. Un voyageur attrape de justesse le bus. Il est coiffé comme un vieux sage asiatique, la calvitie à demie, et quand même une sorte de houppette en chignon*. Il sourit au chauffeur, bippe de son abonnement. Dans le rétroviseur mon attention se porte sur la marche mesurée d’une dame âgée tirant un caddie de ville. Les inconnus que je croise me disent-ils que je pars dans un pays où près de 100 000 personnes sont plus que centenaires...

 

Et puis la gare de la Part-Dieu. Sa nouvelle salle d’attente. Est-ce que les arbres sont vrais ? Ils touchent déjà le faux plafond : comment croîtront-ils davantage ?


*Coiffure des Nabetori, dite poignée de marmite, sobriquet pour la noblesse (Dogra Magra, de Yumeno Kyûsaku p. 249)

 

19 juillet

 

Il y a aussi la mer, avec une sorte d’îlot privé transformé par un hôtel en pseudo village italien. Quelle drôle d’idée : c’est le premier lieu que j’ai choisi de dessiner après le bain dans la mer du Japon. Le quartier de Momochi est idéal pour rêver vivre ici : les petits pavillons aux tuiles vernissées, des chemins où chaque arbre est entouré de fleurs diverses ; des ponts sur le bras de mer et, les enfants de l’école, rentrant avec leur cartable renflé, protégé par une cape de pluie. 

 

Semi Semi-San !

les pins de Fukuoka 

bruissant de cigales


 

Fukuoka, le 18 juillet

 

Il ne faut pas longtemps pour se sentir chez soi et Fukuoka est une ville dans laquelle j’ai tout de suite envie de m’installer. Notre hôtel est juste à côté d’une merveille de petit lac où se posent hérons, cormorans ou canards. Un kiosque en pagode, des ponts, une pinède en presqu’île, c’est à qui des corbeaux (karasu) ou des cigales (semi) parviendra le mieux à rompre le calme du lieu.

 

19 juillet

 

Il y a aussi la mer, avec une sorte d’île privée transformée par un hôtel en pseudo village italien. Quelle drôle d’idée : c’est le premier lieu que j’ai choisi de dessiner après le bain dans la mer du Japon. Le quartier de Momochi est idéal pour rêver vivre ici : les petits pavillons aux tuiles vernissées, des chemins où chaque arbre est entouré de fleurs diverses ; des ponts sur le bras de mer et, les enfants de l’école, rentrant avec leur cartable renflé, protégé par une cape de pluie. 

 

Semi Semi-San !

les pins de Fukuoka 

bruissant de cigales

 

20 juillet, Yagura hôtel de Fukuoka


Il m’aura fallu deux aurores pour découvrir la longue fenêtre à la tête de mon lit, occultée par des stores aux tons café au lait.

Des jardins denses aux arbres cirés emplissent le vide entre les immeubles chocolat. Après le rose de l’aube, une couverture nuageuse s’installe sur la ville bordée de montagnes et incurvée en bord de mer.

 

Nous avons pris le ferry, direction Nokonoshima. En observant la carte dessinée, tout paraît simple : un unique chemin en bord de rivage, une plage à l’Est, un jardin de rêve au Nord. Pas de voitures ; seul un bus fait la transversale pour les touristes venus saisir les couleurs de saison du jardin dominant les baies ponctuées de rochers ou d’îles plus petites encore. 

 

Musardons au marché.

 Un sachet de tomates. 

Des cartes postales : soit grand-mère au milieu des cosmos, soit l’épouvantail parmi les héliotropes. 

 

On laisse filer le bus. On s’arrête à la poste de poche. Deux employés s’occupent de nos cartes comme si elles représentaient un enjeu diplomatique : disposition codifiée, timbre floral évidemment, photographie pour immortaliser l’envoi (demandée par le préposé à la poste comme preuve de la validité de son travail et tampon en forme de calebasse).

A partir de là, ce sera une enfilade de chemins de traverses car, si l’île est petite, elle est toute en reliefs, couverte d’une épaisse végétation. Le sentier n’en est pas un : des véhicules nous poussent sur les bordures, et de multiples intersections proposent des messages exclusivement en japonais. A part la plage deux heures plus tard où je peux lire beach en katakana. Mais la plage n’a pas de sable, un enfant avec une bouée se pend à une corde pour apprendre à sauter. Des allées de cocotiers aux palmes jaunies donnent un côté exotique au camping qui rend l’accès à la mer soumis à paiement. 

On n’a pas tout perdu ; s’il est hors de question de renoncer au tour de l’île pour se baigner dans une eau brune que les courants remplissent de divers éléments flottants, on nous propose gentiment de rejoindre un groupe de jeunes filles pour aller en bus au jardin merveilleux. 

Ce n’est pas de refus. Nos gourdes sont à sec. Je m’abreuve de tomates… la pente bétonnée où le mini bus peine me fait fermer les yeux, de peur d’un démarrage en côte !

 

Ce jardin valait bien toutes les fausses routes du monde. C’est un peu comme se promener avec Mary Poppins sous un parapluie devenu ombrelle couleur d’arc-en ciel…

Reste à se glisser côte à côte sur un banc avec mon amie. Pour peindre à l’aquarelle le bleu lointain de la mer traversée par les bateaux.




 

 



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