vendredi 17 mars 2017

marathon de l'écriture : coïncidences



lignée 4
nb : 11 mars 17h

Je veux accoucher un 15 novembre !
Quand votre compagne vous crie cela entre deux contractions alors que votre bagnole est prise dans un embouteillage et que vous êtes un 1er mai, vous savez que vous n'êtes pas au bout de vos problèmes.
-Mina. Je suis déso...
-Non ! J'ai pris ma décision.
Qui avait eu l'idée déjà d'allumer la radio ? Bon sang ! Je savais qu'elle avait une passion pour le Chili mais de là à décider, alors même que l'accouchement est une question d'heures, de faire naître son enfant six mois plus tard, en mémoire d'un garçon disparu à cette date, c'était incroyable !
Elle ne le connaissait même pas, c'est juste le journaliste qui vient de le présenter !
-Ma chérie, tu sais bien que c'est impossible.
Ah...si ! J'accoucherai un 15 novembre !
Bien, surtout garder son calme. Respire, inspire, respire, tout va bien, ma femme me fait juste une crise de folie liée à l'accouchement.
-Regarde, l'embouteillage se termine, on sera tous les deux, enfin trois avec la meilleure amie qui s'égosille à l'arrière, dans une dizaine de minutes, à l'hôpital. OK, tu accoucheras un 15 novembre, on essaiera, mais pas Ce bébé !

bb : 23h

Le commandant Salvatore a quitté Lampedusa.

La jeune fille érythréenne a quitté la cérémonie du café pour se dissoudre dans le désert et l'exil.

Les jumeaux (lequel en premier ?) ont quitté le ventre de leur mère biologique... à son tour elle les a quittés dans un lieu où d'autres enfants attendent d'autres parents, parfois toute leur vie, jusqu'à devenir adultes, père et mère qui disparaissent.

Le sous-continent indien a quitté la Pangée primitive, glissant de ce qui se nommera Afrique vers ce qui se nommera Asie.

La lune a quitté la nuit pour se renouveler.

Le commandant Salvatore n'a plus de bateau, n'a plus de patrie ; il erre dans un roman écrit il y a une décennie. Lorsque chaque lecteur finit le livre de Gaudé, il projette sur son personnage la masse mortelle du camion, lequel le fauche, hors de son monde, à l'abandon.





nb : 12 mars, 4h

4, 6, 8 syllabes 
5 ou 7 pour les haïkus 
reprise impossible 

bouteille de verre
en toi la vie qui s'écoule
fait naître une mer

son roman écrit
des jumeaux à l'abandon
à tombeau ouvert

face au manque d'inspi'
décortication du texte
mais aucun succès

réservoir
à mots
voyage Asie bateau
patrie livre
esquisse il vague
camion nuit roman
de plus quitter histoire
jumeaux rassembler
drôle tombeau
projeter boire exiler
vacarme ventre port
abandonner deux mère grand
errer renouveler trahir
vivant lunatique leurre
poétique vibration jeune



bb : 9h

Fin ? Faim ?
Ma tête est une casserole, un faitout familial avec deux oreilles pour l'attraper et servir à table.
Mère nourricière.
Mes enfants chocolat, fèves de cacao, grains de café. Leurs yeux, de la gousse velours de vanille au caramel d'une noix fraîche ou noisette encore verte.

Leurs peaux à lécher, à nourrir de monoï.
Leurs blessures de l'enfance, doigts rougis par la gale. Les mains qui emboitaient des formes gigognes et progressaient à quatre pattes.
Leurs mains adultes de danseur, de guitariste, de peseuse de mots, ses mains en devenir de lanceur de balles.
Les poings fermés du bébé aux ongles luisants comme des coquillages.
Les mains empêchées du garçon de 2 ans qui ne doit pas porter ses doigts à sa bouche où un palais tout neuf vient d'être ourlé comme un jupon de conte de fées, voile après voile ; ses bras entravés par une camisole dont l'armature de bois le transforme en marionnette, le temps de sa convalescence.
Leurs 40 doigts superposés en fleurs de chair sur cette vieille photographie.
Les boîtes de Finger à partager équitablement.
L'aînée qui préside à la distribution et le benjamin qui pique en douce tout ce qui est sucré.
Le verre de lait saupoudré de fourmis qui caille dans la chambre de l'adulescente ; les copeaux de clémentines collectés pour leur odeur, dans le tiroir du chevet de son frère jumeau.

Faim ! Fin, finalité ! mon coeur est un creuset, un livre de recettes avec la rituelle tarte à la framboise sur laquelle des langues de pâte inscrivent toutes les dates qui ont compté autour de la table.
Notre table où une assiette manque.



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