lignée 3
bb : 11 mars, 16h
Puisqu'il
me faut attendre deux heures à Saint-Denis que le cours de chant de
ma fille se termine, et comme le conservatoire a réouvert au centre
de la ville blanche, j'ai l'idée de prendre mon carnet de voyages.
Cela fait plus de dix années que nous vivons dans cette île mais
ces mois sont les derniers ; je voudrai redevenir un peu voyageuse,
peindre des lieux d'une vie qui se boucle...
Je
n'aime pas trop les architectures. Esquisser des fleurs, des arbres
ou des cascades me permet de ne jamais respecter trop la symétrie ou
la rigueur. Ma fantaisie rejoint plus facilement celle de la nature,
sans l'égaler !
Pourtant
me voilà devant la cathédrale lumineuse, bien protégée par un
arbre gigantesque, sur un banc. Au fur et à mesure, je me félicite
de l'emplacement. Je découvre les belles ombres portées des
piliers, sur la façade. Une perspective à gauche donne à dessiner
le clocher métallique que la certitude des cyclones a
raisonnablement posé à l'extérieur de l'église. Il me rappelle
que le temps pour peindre est mesuré.
J'aime
observer ceux qui passent dans le jardin, ceux qui gravissent les
marches du parvis. A droite, la grande fontaine donne de la
profondeur à ma composition mais elle est coupée par le bord de la
feuille. D'ailleurs, je commence à chercher du pinceau, les nuances
du bronze lorsqu'un prêtre surgit, la mine encapuchonnée. En aube,
trois enfants de choeur l'escortent.
Le
quatuor s'approche de la large vasque. Alors une troupe d'adolescents
s'échappe de l'église pour cerner la fontaine. Comme il est devenu
impossible de la peindre, je m'en désintéresse et je reprends de
l'ocre pour colorer les statues étranges qui débordent du
bas-relief en triangle. une aile d'ange dépasse du toit du
péristyle, un pied traîne plus bas que la base du tympan. Soudain
mon attention revient à la fontaine qui prend feu ! A l'inverse de
l'arc descendant des jets d'eau, un croissant de fumée s'élève
dans l'espace, floutant le visage des statues.
Je me
souviens ! Nous sommes le mercredi des Cendres ; j'entends des bribes
de sermon où il est question de vieux rameaux oubliés dans les
maisons... Faut-il les brûler parce que leur pouvoir protecteur
s'est asséché ou du fait de leur caractère sacré ? Qui maintenant
protègera ce groupe de fidèles, d'ici le dimanche des Rameaux à
venir ? Un temps de Carême sans dieux Lares ni Pénates...
La
foule repart comme elle est venue, par la porte de la cathédrale.
Seule reste une dame qui récure une sorte de jatte et jette les
cendres grasses dans l'eau de la vasque. Je vais pouvoir recommencer à
peindre mais j'entends sonner la cloche de mon récit... et le gong
du temps de l'écriture !
nb
: 22h
Chère
société de merde,
c'est
décidé, je te quitte.
Nous avons trop de différends, pas les mêmes
valeurs ni les mêmes idéaux, entre nous, ça ne pourra jamais
marcher, mais voici quelques points pour éclaircir les choses :
*
ta vision de la femme :
-
Si je suis faite pour accoucher, ce n'est pas à moi seule de
m'occuper des enfants, et même si tu fais croire que ça va évoluer,
en réalité, c'est toujours le cas un peu partout
-
Pourquoi les poils sont-ils mal vus ? C'est naturel, avec plein de
fonctions superbes, alors pourquoi, pour un point de vue esthétique
doit-on les enlever ?
-
Tout métier peut être assumé par une femme ou un homme. Vive les
sages-hommes, les hommes de ménage, les femmes d'affaires et les
papesses !
*
égalité
-
Pourquoi il y a des riches et des pauvres ?
En
quoi la naissance de l'enfant devrait décider de son niveau de vie.
C'est comme si on avait choisi son destin à la roue. Si tout le
monde avait une part de richesse, on serait le seul maître de son
destin.
-
Pourquoi le physique est si important pour toi ? n'est-ce pas la
beauté de l'âme la plus importante ?
-
Pourquoi des hommes seraient meilleurs que d'autres à cause d'une
nationalité, d'un aspect physique, d'une place plus haute dans la
hiérarchie ou de je ne sais quoi d'autre, merde on est tous égaux !
-
différence ne veut pas dire défaut.
-
Bref, je cherche quelque chose de nouveau, de plus équilibré, de
meilleur
et
vu comme tu es, ce ne sera jamais toi
J'espère
que ta fin est proche et que de toi, on en tirera du bon, des choses
à arranger.
A
jamais.
Moi
note
: Annonce
Recherche
une utopie ou une société qui a décidé d'avancer et de croire
en l'humanité. Si vous en connaissez, appelez au ...
|
bb : le 12 mars, 3h
Sous le pont
Mirabeau il pleut un oiseau chante à la santé de Lorelei
et de Lou
Sous le pont
Miralaid il vente ; un pigeon dodeline et roucoule à la santé de
Marie Laurencin et de Lou
Sous le pont
Beauramier, il gèle ; les souris dansent à la santé de Judith et
Holopherne pour qu'il tienne le "cou"
Sous le pont
Miramoche, il grèle à coeur fendre ; les chats de gouttière sont
partis à la prison de la Santé.
Sous le pont
Beaumirage, il suinte des égoûts, la Grande Ville où les passants
ne regardent plus les voiles de Salomé en corolle autour d'elle,
nue.
Sous le pont
Beaurivage, il bruine une houle de mer qui rapporte sur la grève des
bois flottés de tous les océans, des poissons retournés, des
baleines échouées et des dérives en plastique.
- Vienne l'aurore,
sonne l'heure
Les mots s'en
vont, les hommes meurent
-Sonne la cloche
de bois, vienne le temps
des sans-dents,
des sans-abris, des sans-famille
des sans-domicile
au beau fixe
Sous le pont
Mirabeau
Coule le soleil en
automne
les Mal-aimés,
lentement, à son regard
s'empoisonnent
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