mardi 2 novembre 2021

Chroniques de musée : M.A.C de Lyon

 Si la photographie est la captation de la lumière de notre réalité, que dire du reflet de cette photographie ici sur une sorte de support textile réfléchi lui-même au sol de l'exposition de Jasmina Cibic ? Quelle caverne de Platon ! "Stagecraft - une mise en scène du pouvoir" commence par la reproduction grandeur nature du décor cubiste du Mandarin merveilleux de Béla Bartok. Accompagnée de photos des danseurs. Ci-dessous j'ai capté à mes pieds l'irisation du tableau présenté à hauteur de visiteur. C'est sans doute mon inquiétude du moment : comment faire sortir le danseur de l'ombre ? Comment retrouver sa place sur scène après ces deux saisons de mise sous clé des spectacles vivants ?





Les oeuvres d'art partent en campagne, même involontairement l'art dépend toujours de la politique, du pouvoir, c'est bien ce que raconte à sa manière le film Illusions perdues sorti cet automne. Pantins armés d'une plume, d'une caméra, désarticulés par les antagonismes de partis ou les partis uniques... Le film The Gift oscille entre 1984 et un hollywoodien de la guerre froide pour les décors. 30 mn sur un triptyque où l'architecte, l'artiste et le diplomate tentent de trouver le cadeau idéal qui symbolisera le pouvoir d'un pays. 
La lecture de Limonov au milieu de cela n'accroît que mon sentiment de pessimisme.


Jasmina Cibic est slovène. Les paroles de son moyen-métrage sont un puzzle de morceaux de discours officiels. Tournant au Palais des Nations de Genève, au palais de la culture et de la science de Varsovie et au siège du Parti communiste de Paris, comme si c'était un unique lieu, elle exhume des cadeaux officiels- tel morceau de violon jamais joué, partition silencieuse offerte à la neutralité suisse- et fait danser sur les tables un couple magnifique, poésie noyée dans le cynisme d'état.


En apparence moins caustiques, les créations animées de Christine Rebet sont mon coup de coeur. De petites maisons aux styles variés divisent l'espace du plateau pour proposer des dessins animés tous sur le thème de la métamorphose. Les histoires se décomposent en dessin se recomposant en mouvements.
A chaque maison un univers : salon bourgeois, pavillon japonais, patio des pêcheurs de perles, ville archaïque des fouilleurs du passé.... Briser le vase et le recoller : c'est le principe de l'animateur d'images. Les danseurs Kader Belmoktar, Mélissa Cirillo et David Bernardo mènent une visite indisciplinée où le public est invité lui aussi à s'associer pour faire en série un mouvement reconstruit. 






Comme la danse Butô, la catastrophe n'est pas loin de la catharsis. Les dessins à l'encre se noient dans l'eau. Métempsychose et danse disloquée... 



Le dernier étage propose le parcours à deux des performateurs Marina AbramoviC & Ulay. 
12 années de chaque côté d'une table. A se regarder dans les yeux. Sur la table de bois (remplacée une fois au Japon justement par son double de terre creusé comme l'excavation d'une tombe) il y a souvent rien. Mais aussi des paillettes d'or. Un éléphant. Une paire de ciseaux plantés comme une arme dans les duels façon Far West.


Et puis un jour chacun d'eux aborde la muraille de Chine par un bout. Jusqu'à se rejoindre pour se quitter définitivement.












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