jeudi 2 décembre 2021

L’atelier du mercredi 1er décembre : C’est beau !

 


 

Consigne 1 : faire tourner cette exclamation… C’est beau ! Ouah ! Choc syndrome de Stendhal, tableau, air qui fait des frissons. Sourire involontaire. Arrêt sur images. Reculer, s’approcher, chercher un détail. Faire tourner le mot dans la bouche. Déguster, fermer les yeux, revivre

 

Le dernier mot des autres : profiteroles – truand - Aznavour

 

Consigne 2 : Sur un dialogue théâtral de Sarraute « C’est beau… » à remplacer par notre dernier mot.

C’est revivre, mais…

 

Lui : tu ne trouves pas que c’est revivre ? 

Elle : (comme à contrecœur) Si si.

Lui : mais qu’est-ce que tu as ? 

Elle : qu’est-ce que tu veux ? Tu me demandes, je réponds : oui. 

Lui : je ne te sens pas sincère ! C’est pourtant toi la première qui m’as dit qu’il ne fallait pas se tuer à la tâche et que la retraite à 70 ans c’était une occasion de revivre. 

Elle : j’ai dit ça moi, oui, sans doute cela me ressemble –enfin, cela pourrait ressembler à ce que dirait ta femme !

Lui : mais tu es ma femme ! Je n’en ai pas eu d’autres ! Tu sais bien, la première, elle ne comptait pas : hop hop on a 18 ans ; hop les gosses ça grandit ; hop elle, elle ressemble de plus en plus à sa mère. Pire… À la mienne et voilà quoi ! Je t’ai dit toi, tu es mon unique ! Revivre enfin avec toi le temps où on peut faire vraiment tout.

Elle : ah, revivre… 

Lui : tu comprends ? 

Elle : il faut vraiment te répondre ?

Lui : mais c’est pour cela qu’on est ensemble ! 

Elle : pour tomber d’accord sur tout ce que tu penses ? 

Lui : tu le penses aussi ! Tu le pensais… avant …

Elle : avant, oui, quand tu n’allais pas avoir 70 ans ! Mais moi, vois-tu, je n’ai pas l’intention de revivre avant de vivre. Vivre c’est penser que toi tu es très occupé par toutes tes réunions, tes collègues importants, tes idées formidables que tout le monde admire ! Tu es pour moi un bel écran, qui rapporte bien. Comment pourrais-je aimer t’attendre ou te retrouver si tu es là dès le matin et à l’heure de midi. Là, ici, maintenant, après, toujours. Revivre, revivre encore toutes ces journées avec toi qui penses que la vie est discontinue. 

Vivre pour moi, cela va sans doute te déplaire un peu, cela va être prendre ma retraite de toi, ma retraite de tes considérations sur le beau et le bon, sur la belle, la brute et le truand, sur la différence entre les profiteroles et les choux glacés.

 

Consigne 3 : Lecture en préambule de Ton cœur a la forme d’une île, éloge de la Corse. 

 

Mots imposés pour écrire sur un lieu d’élection : papillon – éternel – constitue – terre - Sisyphe

 

C’est le domaine des roches. Le paysage s’est plissé à la façon d’une tenture cosmique, comme lorsque le chat a cinq minutes de folie, éternellement itérative à la tombée du jour et qu’il poursuit une chimère, un papillon ou les drosophiles de l’évier jusqu’à se prendre les pattes dans le tapis : quatre replis.

La roche la plus lointaine est Vineuse : c’est son nom. Bâtie d’un village classique donc avec clocher et en pente, pour dominer là où les eaux se rejoignent en roulant des fossiles au bas des carrés de vigne.

La seconde bosse de ma terre s’appelle le Monsart. Comme il est chauve, par paronomase il devient le mont Tsar, dont l’épaule glabre est une évocation de la musique slave de Moussorgski.

La troisième constitue mon ancrage. De notre maison, elle semble une muraille couleur lie-de-vin, aussi ; ici tout est vigne. Du blanc, de préférence, qu’on reconnaît à l’automne quand la chlorophylle meurt, ne laissant que le jaune (le rouge, lui, rougit les verres, les joues et les feuilles).

La dernière roche est la plus célèbre : elle a tant et tant été gravie par Tonton. À une certaine époque, on y déposait des roses, à la Pentecôte, mais les idéaux s’usent et même le caillou de Sisyphe, un jour, sera plus fin qu’un gravier, à peine un scrupule. Du temps où la mer recouvrait les collines, elle précipita des chevaux sauvages sous sa dent de pierre. 

C’était l’époque solutréenne.

 

Consigne 4 : sur une photo de Delphine prise le matin même à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan.

Un chocolat chaud, une serviette, un mot….

 

Lorsque le serveur déposa le plateau de mon continental breakfast quatre étoiles, il m’adressa une remarque un peu déplacée : « ce tailleur blanc vous sied parfaitement mais vous prenez des risques : ici le café noir est vraiment très serré, l’orange aussi indélébile que fraîchement pressée et le croissant plus friable qu’il n’y paraît. Aussi n’hésitez pas à déplier la serviette. Votre taxi ne saurait attendre au-delà ; or, toute incident de consommation provoquerait éventuellement un accident de circulation pour rattraper le retard, et l’avion. »

Cela, c’était dans mon imagination ! En réalité, il ne m’a rien dit. Mon tailleur n’était même pas blanc ni immaculé ni repassé : j’avais remis la tenue de l’aller car je préféré être à l’aise pour paniquer dans la classe confort d’Az-air-baïdjan-Fly.

J’ai pris ma serviette aussi vierge que l’idéal féminin local, et je n’ai même pas vu le petit papier plié en deux que l’on y avait glissé pour moi. J’aurais pu y lire : … 




 

Le rituel des choses qui… donnent envie de prendre son breakfast au 18ème étage :

Un tsunami, une panne d’ascenseur, la grève des éboueurs, la brume sur la ville, le serveur d’origine indienne, le toit panoramique, un confinement à l’arrivée sur Tokyo.

 

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